Quelquefois je m'endors. Soudain je me réveille
Le mur s'ouvre sur la merveille
De mon bel enfant endormi.
Je pense : on ne dort pas. On rêve à son ami
On lui glisse des vers sous la porte mal close
II dort... Il dort nu sur sa grande main rose
II dort : où le sommeil enlève-t-il ses pas ?
Il dort et c'est divin que je ne dorme pas
Que je m'échappe à ce monde astucieux du rêve
Et je sors une jambe et l'autre, je me lève
Je marche vers la table où je chante debout
Mon enfant endormi circule Dieu sait où
C'est à moi de veiller, d'être la sentinelle
Du bonheur que la vie accepte au milieu d'elle
Maligne à faire l'ombre et le froid sur l'amour
A se moquer de lui, prête à jouer des tours
Atroces, à brouiller les flèches et les cibles
A susciter les jeux des âmes insensibles
À... Mais que dis-je ? Assez. Mon enfant m'aime. Il dort.
Et je garde en avare un sublime trésor
Dont je saurai verser l'intérêt à la foule
Et de mon cœur ouvert le sang d'encre s'écoule
Dors mon fils, mon amant, mon peintre, mon acteur
Je suis ton seul poète et ton seul spectateur
Dors. Il est doux Jeannot de veiller de la sorte
Et de laisser mon sang s'allonger sous ta porte.
Ce poème est de jean cocteau et il a été écrit pour jean marais